May 21, 2025

Ce n’est pas la Terre qui s’arrête… c’est la gouvernance qui déraille

Le récent témoignage de l’ancien président du conseil d’administration de la SAAQ, Guy Morneau, devant la commission Gallant a de quoi faire réagir. Entendre un président de CA relativiser un dépassement de coûts de 300 à 500 millions de dollars en affirmant que « ce n’est pas ça qui va arrêter la Terre de tourner » est non seulement décevant, mais surtout révélateur d’une posture de gouvernance qui banalise des enjeux pourtant fondamentaux : la rigueur financière, la responsabilité fiduciaire et la confiance du public.

Ce type de discours n’est jamais anodin. Il envoie un signal clair sur le ton qui régnait vraisemblablement autour de la table du conseil à l’époque : une tolérance face aux dérapages et une minimisation des risques. Or, le rôle d’un président de conseil d’administration est tout sauf symbolique. Il doit incarner l’exemplarité, poser les questions difficiles, exiger de la transparence et insuffler un leadership mobilisateur pour que les projets stratégiques soient réalisés dans le respect des budgets, des échéanciers et des meilleures pratiques.

Ce qui est en jeu ici, ce n’est pas qu’une ligne budgétaire. C’est la confiance. Celle des citoyens, des employés, des partenaires… et dans ce cas précis, des contribuables.

Les incontournables d’un président de conseil d'administration engagé et responsable :
  • Poser les bonnes questions, au bon moment. Ne pas hésiter à demander des redditions de comptes précises et fréquentes, surtout sur des projets à haut risque financier.
  • Cultiver une saine tension constructive. Favoriser des débats ouverts et critiques plutôt que rechercher l’unanimité de façade. Un CA efficace est un CA qui ose confronter les enjeux tout en maintenant le respect et la collaboration.
  • S’assurer de la qualité de l’information reçue. Exiger des analyses rigoureuses et indépendantes pour prendre des décisions éclairées, sans se contenter d’une vision présentée par la direction.
  • Gérer activement les risques. Mettre en place un comité de risques ou s’assurer que cette responsabilité est pleinement assumée, en identifiant et suivant de près les zones de vulnérabilité des projets majeurs.
  • Veiller à la compétence du CA. S’assurer que les membres possèdent les expertises nécessaires, particulièrement dans des projets complexes comme les transformations numériques, et recourir à des experts externes lorsque requis.
  • Maintenir l’indépendance et l’imputabilité, tout en restant un partenaire stratégique de la direction. Le rôle du conseil n’est pas de s’opposer systématiquement à la direction, mais de l’accompagner, de challenger ses réflexions et de contribuer à faire grandir l’organisation dans l’intérêt de tous.

Chez Panorama, nous croyons profondément que la posture du président de CA a un effet d’entraînement sur toute la dynamique de gouvernance. Un président rigoureux, engagé et conscient de son rôle critique influence la qualité des débats, la capacité du conseil à jouer pleinement son rôle de vigie et, ultimement, la création de valeur pour l’organisation et ses parties prenantes.

Alors non, la Terre ne s’arrête peut-être pas de tourner. Mais à force de tolérer ce genre de dérapages, ce sont les citoyens qui finissent par tourner le dos à leurs institutions.

Il est temps d'exiger mieux et d'adopter des pratiques exemplaires. Car c’est ensemble, dans un dialogue constructif et orienté vers l’impact entre les conseils d’administration et les directions, que nous ferons réellement avancer les organisations et renforcerons la confiance.

— Roxanne Lessard, Fondatrice et PDG, Panorama